(41) Par Ghislain MOLLET-VIÉVILLE –
Dans son livre L’économie à l’épreuve de l’art. Art et capitalisme dans les années 1960, Sophie Cras (1) décrit les initiatives des artistes qui souhaitaient s’associer ou se confronter au marché de l’art (ou inversement associer ou confronter le marché de l’art à leurs initiatives artistiques). En 1889, Stéphane Mallarmé écrivait : « Vouloir assigner son prix réel, en argent, à une oeuvre d’art, c’est l’insulter ». À bien des égards, les années 1960 sonnèrent le glas de cette conception qui voyait une opposition radicale entre les sphères artistique et économique. Déjà après la deuxième guerre mondiale, une hausse vertigineuse du marché de l’art accompagnait la croissance des économies capitalistes. Économistes et sociologues commencèrent à appliquer leurs méthodes au domaine artistique, envisageant l’art comme une marchandise voire comme un « investissement » et l’artiste comme une « profession ».
En retour et c’est ce que l’ouvrage de Sophie Cras cherche à mettre en lumière, l’art s’attela à repenser l’économie de manière créative et critique. L’argent, les signes monétaires et les statistiques financières s’immiscèrent dans des peintures, des sculptures, des performances. Les artistes ne se contentèrent pas de refléter les codes visuels du monde économique : ils transformèrent les conditions d’échange des oeuvres, imaginèrent des économies alternatives, ou parasitèrent les systèmes existants. Ce faisant, ils érigeaient l’art en laboratoire pour repenser l’économie de leur temps, marquée par l’inflation, les bouleversements du système monétaire international et l’abandon de l’étalon-or.
Des zones de sensibilité picturale immatérielle d’Yves Klein aux projets de l’Internationale Situationniste, des jeux visuels du pop art aux procédures de l’art conceptuel ou du mail art, le livre de Sophie Cras propose de revisiter l’histoire du capitalisme des années 1960 à l’aune des oeuvres d’art qui l’ont mis à l’épreuve (2). Son livre se limite à ces années là.
Depuis cette époque, force est de constater que l’économie de l’art n’est plus à repenser à travers sa visualité et sa plasticité. Les artistes ont pris conscience que les oeuvres d’art existent dans la vie réelle (avec ses revers et ses travers) en relation avec une économie critiquable sous bien de ses aspects. L’art est un fait de société et de ce point de vue là, il peut parfaitement s’immiscer dans divers mécanismes qui occasionnent une réflexion sur les prix indécents que le marché de l’art est capable de nous imposer. Pour la société en général, l’art a pour but de produire des objets de désir et d’admiration mais les collectionneurs ne peuvent s’empêcher de surveiller l’évolution de leurs prix comme si c’était le seul vrai critère de leurs qualités artistiques. Face à cette situation, des artistes lucides ont choisi de se positionner au centre des conventions de l’économie en y créant de nouvelles formes artistiques qui privilégient une portée sociale et valorisent leur rapport à l’humain.
En opposition aux riches américains pour qui acheter de l’art est un sport national, socialement gratifiant et fiscalement déductible, Les Levine réalisait déjà en 1966 des oeuvres en plastique tirées à un nombre d’exemplaires illimités et suffisamment bon marché (de 3 à 6 $) pour qu’on n’hésite pas à s’en débarrasser. Son diagnostic était très clair : « Une insatisfaction relative au système social et politique actuel conduit au refus de produire des marchandises qui flattent et perpétuent ce système. Ici le domaine de l’art et celui de l’éthique se confondent » (3). La proposition de Les Levine est formidable mais c’est Robert Filliou – génie sans talent – qui doit surtout nous interpeller lorsqu’il adopte pour mode de vie un profond dénuement matériel. Parmi ses affirmations, retenons en particulier celles-ci : « L’art est chose des plus faciles. C’est une certaine forme d’organisation des loisirs…, une certaine attitude vis à vis du monde. Le seul problème qui se pose est d’ordre pratique : comment payer son loyer. » Également de lui : « L’art est trop important pour que nous l’abandonnions aux spécialistes, comme l’Amour, l’art appartient à tout le monde » (4). Sa pratique privilégiait le comportement artistique à l’objet lui-même. Sa non-boutique La Cédille qui sourit fondée avec George Brecht en 1965 et qui est restée porte close, était conçue comme un centre international de création permanente où il n’était question que de jeux autour de la « désinvention » de l’art (5).
À la suite de l’art conceptuel qui nous invitait à participer à une enquête sur la nature de l’art, il se trouve que cette façon de procéder peut s’appliquer maintenant au principe même de son économie. Des oeuvres d’art se nourrissent ainsi d’une mise à jour du rôle de la finance au sein de notre milieu artistique. Idéalement, l’art n’a plus à être uniquement au service de l’art mais plutôt au service d’actions engagées (voir militantes) que des nouveaux interlocuteurs sont invités à soutenir financièrement en l’absence de toute spéculation. Dans cet état d’esprit, ce qui s’est instaurée avec la Biennale de Paris dirigée par l’artiste invisuel Alexandre Gurita, c’est une interaction sociale qui prévaut totalement sur l’objet d’art. Être à l’oeuvre implique ainsi des dispositifs de passage, de rencontres, de circulation qui s’affranchissent de la très réactionnaire propension du marché à chosifier l’art. Bref, l’art a évolué depuis les années 60 et doit intégrer dans son propos une nouvelle économie créée à titre d’oeuvre.
C’est en considérant que l’économie de l’art est tout aussi importante que l’art lui-même que la Biennale de Paris (6) a initié un ensemble de projets tels que FoméA – Forum mondial des économies de l’art (7) dont la première édition s’est déroulée à l’Hôtel de Ville de Paris. Elle avait pour objectif d’être au service des artistes en leur apportant des informations sur les économies alternatives au marché de l’art. La Biennale de Paris a initié d’autres programmes tels que AKXE – La blockchain de l’art (8) qui évalue le potentiel de développement d’une blockchain et d’une crypto-monnaie dédiée à l’économie de l’expérimentation, la création d’une Banque dédiée aux artistes (9), le Plan de soutien global aux artistes – GAFP (10) qui veut émanciper les artistes de la précarité pour leur permettre d’accéder au pouvoir d’être libre financièrement ou encore le Decentralized Invisual Art Market – DIAM (11) dont un des objectifs est aussi de valoriser financièrement l’art comme expérience.
L’’économie a toujours été laissée aux mains des marchands et des spéculateurs, aveugles à l’art véritable. Elle n’est pas enseignée dans les écoles d’art, ce qui fait que les jeunes artistes sortent diplômés avec un handicap majeur dès le début de leur parcours. À contre courant de cette tendance généralisée de l’enseignement artistique, l’ENDA (École nationale d’art) a consacré une Ligne de recherche et d’expérimentation (LDRE) à l’économie (12) au sein de laquelle les « praticien.nes » doivent formuler le modèle économique de leurs pratiques.
En raison de toutes ces observations, ce qui s’impose aujourd’hui, c’est une mutation culturelle qui rend problématique un art qui s’exprime avec ses seules formes matérielles, il faut dorénavant lui trouver une nouvelle « syntaxe » du côté de l’immatériel et déstabiliser ainsi les collectionneurs-investisseurs avec des procédures correspondant à une autre réalité d’un art qui conduit plus à l’aventure qu’à sa seule contemplation.
Une nouvelle économie de l’art apparait alors en relation avec des pratiques collectives où l’oeuvre s’anime en tant qu’activité et engagement : se mettre à l’oeuvre ne signifie nullement produire des objets d’art. L’art – avec ses nombreux méandres – produit ainsi des oeuvres qui ne relèvent plus de l’aura rattachée aux chefs-d’oeuvre uniques et sacralisés, ni n’obéit aux normes de la propriété privée et de son commerce bien souvent fallacieux.
De plus en plus nous voyons apparaitre une socialisation de l’art donnant de la valeur à des oeuvres favorisant le partage, c’est pourquoi se généralisent des attitudes de responsables culturels prenant en charge des protocoles d’artiste qui sont à vivre. Et on ne peut que se réjouir qu’avec cette nouvelle tendance, des galeristes et des collectionneurs importants souhaitent acheter des oeuvres (quasiment in-revendables) qui ne sont que des situations à (ré)activer dans le futur. Cela vient conforter ce que je pense de l’avenir du marché de l’art : il devrait s’aligner sérieusement sur l’économie de l’immatériel qui s’impose partout dans le monde.
That’s Painting Productions avait pour devise « moins il y a à voir plus il y a à penser ». Il s‘agissait d’une entreprise de peinture en bâtiment fondée par l’artiste Bernard Brunon qui proposait de repeindre les murs d’appartements, de musées ou de galeries avec des prix tels qu’ils sont pratiqués pour la rénovation habituelle de nos cadres de vie. En s’ouvrant ainsi à un art non artistique et en mettant l’accent sur les responsabilités inhérentes à la fonction d’un peintre/entrepreneur soucieux de ses clients et de son équipe, le chantier proposé en tant qu’oeuvre, permettait de questionner d’autres systèmes socioéconomiques que ceux d’un art tributaire d’un indécent marché de l’art. Et loin des pratiques simulationnistes ou fictionnelles, les activités triviales de Bernard Brunon faisaient envisager salutairement, la création d’un mouvement en peinture qui préconiserait un art sans plus-value artistique et sans velléité spéculative !
Jean-Baptiste Farkas se définit comme un artiste prestataire de services. Il propose avec son entreprise IKHÉA©SERVICES, des oeuvres qui ne sont pas des objets d’art. Ces oeuvres (appelées des services) sont regroupées dans un manuel de modes d’emploi et ont pour point de départ des directives qui nous encouragent à agir en dehors des clous. Avec Jean-Baptiste nous sommes ainsi amenés à expérimenter des situations qui nous font sortir de notre zone de confort. Le but est aussi de nous amener à avoir des réflexions sur les rapports artificiels que l’art peut entretenir avec l’argent qu’il coûte et l’argent qu’il peut rapporter. Il est effectivement possible aux collectionneurs d’acheter un mode d’emploi en échange d’un certificat, mais il y est bien précisé que l’oeuvre reste en libre service pour tout un chacun. Jean-Baptiste aime s’immiscer dans les interstices de nos savoir-faire et de nos savoir-vivre pour créer de nouvelles règles économiques propre à son art. En effet, à l’oeuvre marchandise belle et chère témoignant d’une réussite professionnelle et qui est accrochée dans les salons bourgeois, il oppose une méthode de travail et des conspirations à plusieurs qui mettent en scène des oeuvres proposées sous forme de potentiel et non de résultat immuable propre à être commercialisé plus facilement. (13)
Antoine Moreau et Isabelle Vodjdani ont mis au point juridiquement, la Licence Art Libre. Une licence que les artistes peuvent rattacher à leurs oeuvres s’ils souhaitent leur donner toute liberté concernant leur appropriation, leur copie, leur diffusion et leur transformation. Cela se fait dans le respect du droit d’auteur puisque la seule obligation que l’on ait consiste à citer l’artiste d’origine. Le principe est de permettre au public de faire un usage créatif des oeuvres d’art à l’image de ce que chacun peut faire des logiciels libres que l’on améliore et rediffuse ensuite gracieusement sur l’Internet. Avec ce système, il s’agit d’accorder au plus grand nombre, l’utilisation des ressources d’une oeuvre. En avoir la jouissance pour en multiplier les réjouissances, créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création et tout cela pour la beauté du geste.
Les activités de Paul Navas relèvent de l’artisanat, de l’art plastique, de l’art conceptuel et de l’art non artistique (sans hiérarchie). Ayant choisi de vivre et d’opérer dans les marges, Paul s’inscrit en faux contre la notoriété recherchée à tout prix par les artistes et le statut hyperbolique de l’art qui y est associé (distinction fondée sur l’exception). Il affronte également le marché inique qui est bâti dessus. Il considère en effet que l’idée de la valeur ne doit pas être tributaire du seul pouvoir de l’argent, il trouve insensées nos immuables transactions financières, préférant opérer du côté d’une économie assurant simplement sa subsistance. On pourrait d’ailleurs dire à ce sujet, que ce qu’il produit dans son atelier c’est son travail alimentaire. Dans cette optique, ce que propose Paul est à la portée de tous et fait l’objet de trocs, sollicitant diverses collaborations. Les acquéreurs subventionnent ainsi ses créations en lui faisant bénéficier de leurs propres qualifications. En d’autres termes si Paul a besoin de deux heures de la vie d’un plombier, il lui donnera deux heures de la sienne en échange. Il négocie ainsi du temps de travail plutôt que de la trésorerie. S’il faut malgré tout qu’il y ait un rapport d’argent, l’opération ne prendra pas la forme d’un prix fixe mais sera élaborée en fonction des revenus de ses interlocuteurs.
Gilbert Coqalane place la perturbation, l’offensive mais aussi l’inaction, l’humour, la singularité, la dérive etc… au coeur de ses oeuvres qui sont à partager dans l’action. Sa critique de la réalité sociale rejoint la philosophie de Guy Debord, elle touche à notre quotidien et sollicite notre collaboration. Souvent ses initiatives sont ressenties comme des dommages collatéraux d’un art qui s’éclate dans sa périphérie. (14)
En conclusion de tous ces propos, j’aimerais simplement affirmer le fond de ma pensée : l’art, comme la culture, devrait pouvoir constituer un bien transmissible de manière illimitée. L’éthique pourrait ainsi prendre le relais de l’esthétique et les contours sociaux de l’art devenir franchement l’art lui-même (dans le cadre de multiples partages entre les uns et les autres). Une éthique qui comprendrait la recherche éclairée d’une perpétuelle redéfinition de l’économie rattachée à l’art au sein de réflexions portant sur la valeur et les conditions de pratiques qui seraient ainsi idéalement affirmées en dehors des règles dictées par le marché de l’art.
Vaste programme !
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(1) Livre paru aux presses du réel en 2018. Sophie Cras est maîtresse de conférences en Histoire de l’art contemporain à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Formée en économie et en histoire de l’art, elle s’intéresse à de nouvelles approches à l’intersection de ces deux disciplines. Son ouvrage est publié en coédition avec le Centre allemand d’histoire de l’art.
(2) Extraits de la quatrième de couverture du livre de Sophie Cras
(3) Idea Art, a critical anthology, édité par Gregory Battcock, New York, 1973
(4) Catalogue « Robert Filliou » de l’exposition au Centre Pompidou en 1991
(5) Voir à son sujet un dossier qui relève les principales réalisations, textes théoriques et énoncés qui donnent l’essentiel de la pensée de Robert Filliou :
http://www.erudit.org/fr/revues/inter/1988-n38-inter1104373/46975ac.pdf
(6) Biennale de Paris
www.biennaledeparis.fr
(7) www.fomea.org
(8) Le projet AKXE consiste à évaluer le potentiel de développement d’une blockchain et d’une crypto-monnaie capables de soutenir l’économie de l’expérience pour le secteur de l’art. Le projet se déroule de 2020 à 2022 et bénéficie du soutien de l’Union Européenne.
(9) http://la-banque.fr
(10) Plan de soutien global aux artistes (GAFP)
gafp.art
(11) DIAM (Decentralized Invisual Art Market)
https://decentralizedinvisualartmarket.com
(12) ENDA (Ecole nationale d’art)
http://www.enda.fr/ldre/
(13) Pour télécharger gratuitement le PDF du manuel Des modes d’emploi et des passages à l’acte :
https://riot-editions.fr/ouvrage/dmd-dpal/
(14) Pour en savoir plus sur Le Perturbationisme, mouvement que Gilbert Coqalane a créé en 2021 voir :
http://www.revuedeparis.fr/le-perturbationisme/
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Légende photo en-tête : Andy Warhol, 1976
En effet, si l’argent n’a pas d’odeur,
l’art conserve ses valeurs !
Merci.
Inventer des protocoles et des échanges non objectivés et totalement immatériels empêche-il la spéculation des galeries, et autres foires ou fondations ? Je me demande si l’essence même de l’oeuvre d’art ne reste pas sa visibilité, quelle qu’elle soit, même si la trace est aussi ténue que la photo d’un certificat brûlé de la zone d’invisibilité, un protocole gardé dans un coffre, dans une pochette à élastiques, et jamais matérialisé, une oeuvre enterrée, non visible, une performance ou une installation éphémère. L’oeuvre est formulée, d’une façon ou d’une autre, elle reste sous forme de document, de geste, de récit. Quand Jas Ban Ader veut exprimer l’indicible avec la pièce « I’m too sad to tell you », ou quand il tombe d’un toit, cela prend la forme objective d’une vidéo. Jean-Baptiste Farkas a rédigé et publié ses « Services ». L’idée, l’intention, la proposition artistiques gardent forcément une forme. La disparition est la seule menace. L’artiste, au moment où il crée, est dans un état de suspens, de tension, entre son intuition très intime, virtuelle, et la difficulté de l’objectiver. Il est en danger. La formulation est l’aboutissement. « Être du bond. Ne pas être du festin, son épilogue » écrit René Char. Festin des collectionneurs ? En tout état de cause le principe de gravité tire la création vers le bas.
Puisqu’il ne s’agit pas de changer l’économie mais juste de la repenser, il est possible que notre expérience puisse apporter des pistes. Pour notre cas, dans un premier temps, il s’est fait une petite analyse sur un rapport entre la fonction d’une œuvre, à savoir les modalités selon laquelle il était prévu qu’elle soit mise en action, et sa valeur économique. La publicité et la subversion de la première ont amené la seconde à enfler démesurément au point d’interdire jusqu’à l’existence de ceux-là même qui l’avaient fait naître. Car il est peu de choses qui ne s’achètent aussi bien que les traces de la subversion, celles d’un Courbet ou d’un Manet, celles d’un Gauguin ou d’un van Gogh, d’un Picabia ou d’un Duchamp.
Or l’œuvre dont nous parlons avait, non pas dès sa naissance n’exagérons pas, mais assez rapidement, émis les principes d’usages qui la feront connaître : ceux de l’ex-situ. Principes qui tiendraient en ces quelques mots « Le travail est exposé là où il est vu ». Une règle simple qui s’impose comme celles du jeu de Go. L’objet en soi n’a aucune valeur, mais le propriétaire du certificat, grâce à un système de code enfantin, peut le reproduire à l’identique si celui-ci venait à se détériorer, à disparaître. Ceci posait déjà la problématique de la valeur d’assurance d’un concept et de l’objet qu’il génère. En d’autres termes c’est le certificat qui fait œuvre. Cela ayant évidemment comme visée l’application physique de la règle première précédemment citée « Le travail est exposé là où il est vu ». Or depuis la mort de l’artiste la spéculation sur l’objet a pris de telles ampleurs que rare aujourd’hui sont ceux qui le promènent chez leur coiffeur.
L’artiste dont il est question ici c’est André Cadere. Son travail « la peinture sans fin » des « barres de bois rond ». Et puisqu’il est dit qu’il y a laissé des erreurs, Manu.V a décidé de produire « barres de bois corrigées » dans le cadre de la « peinture définie ». Barres qui prennent doucement les chemins qui s’offrent à elles vont de villes en villes parfois à pied. Celles-ci sont suffisamment proches des originaux de l’artiste roumain pour en questionner l’authenticité, mais justement éloignées pour ne pas en être des copies. Cela pointant immédiatement la problématique de leurs valeurs respectives. Mais les questionnements socio-économiques que cette pratique recouvre ne sont pas systématiquement perçus par les institutions, notamment celles qui possèdent des « barres », nous entendons ici d’authentiques Cadere car à leurs yeux, réactiver un travail revient à le plagier. Elles feignent, par intérêt, de ne pas comprendre que c’est dans cette mince dissemblance que se joue toute la différence. En d’autres termes elles conservent du bois mort payé à prix d’or, nous bricolons le vivant. Et cette piqûre de rappel peut s’avérer douloureuse. À tel point que l’institution en a brisé l’aiguille, j’entends ici que, lors de l’exposition « Same but different » au Frac des Hauts de France, Manu.V s’est vu mettre en pièces une barre dans ce lieu où la conservation des œuvres devrait prévaloir. Dès lors nous avions la preuve matérielle que « l’utilisation » de tels objets était d’une efficacité redoutable.
En ce qui concerne les nouvelles technologies, Fred.I.R s’en charge, il faut bien réinsérer les handicapés mentaux. Elles sont situées sur deux plans : l’espace virtuel du WebGL et de la réalité augmentée. Dans le premier nous proposons une version virtuelle des « barres erronées » que d’un seul clic on peut « corriger », mais dans la simplicité du jeu existe la soumission à la règle. Pour le second nous avons racheté dans le metaverse les locaux des institutions qui refusent le dialogue et nous y exposons, en réalité augmentée, des images virtuelles des objets qu’elles dénigrent, par une mesquinerie attendue mais surtout dans l’esprit qu’un jour elles tiennent compte de leurs valeurs autonomes. Particulièrement dans cette part de l’art qui se virtualise et où on ne compte plus les lacunes officielles d’un système de valeurs qui ne l’est pas moins.
Reste la question de la spéculation qui s’est déjà posée par deux fois. Sur la valeur des « barres corrigées » réelles où la question économique avait été temporairement résolue par Manu.V en calculant au prorata de la valeur des « barres de bois rond » dans la courte période de leur émission. La seconde sur les parcelles de metaverse et la possibilité d’en tirer profit à la revente. Or les profits à venir, comme tout artiste qui n’en vit pas, nous les espérons déraisonnables, car il n’est pas facile de réinstaurer le désordre dans ce joyeux bordel.