(N°6) Par Marie-Anne LORGÉ –
C’est l’histoire d’un lauréat de la Jeune peinture belge (en 1975), propulsé à la Biennale de Venise (en 1978) qui, un beau jour, a totalement rompu avec le succès pour risquer un « hors des clous », adoptant une pratique sans oeuvre d’art et sans production d’objets d’art. Alors, comment et pourquoi ? C’est toute l’histoire de Gary Bigot, ou le processus d’une créative attitude éclairée par une seule consigne : la liberté.
Le thermo-hygrographe, vous connaissez ? C’est un instrument qui mesure simultanément la température et l’humidité relative de l’air ambiant en fonction du temps et les enregistre sous forme de graphe. Pour la cause, cet instrument sensible est omniprésent dans tous les musées, et Gary Bigot – adepte de l’expérimentation, de la connaissance infusée par la mesure – lui ressemble. D’ailleurs, aujourd’hui, il considère chaque thermo-hygrographe comme son autoportrait. Du coup, fruit d’une longue pratique qui remet non pas un ouvrage sur le métier mais une réflexion – quant aux notions d’art, de production d’objet d’art et de marché –, Gary Bigot considère chaque thermo-hygrographe comme… son œuvre.
La position est radicale. Elle est le miroir de la trajectoire éminemment singulière de cet électron sensible, fondu de physique et de géométrie, d’empirisme en même temps que de subjectivité (le corps, l’espace et ce qui est au-delà, au-dessus), qui, un beau jour, en a eu marre du système, du circuit FEV (faire, exposer, vendre). Est-ce un morceau de bravoure ou est-ce un moment de faiblesse que « d’aller contre » ? La réponse importe peu, d’ailleurs, il ne s’en embarrasse plus, Gary, dont la décision a été aussi absolue qu’irréversible. Encore que!
Gary avoue, de fait, qu’il a « trouvé autre chose par ruse ». A savoir qu’il ne cesse en aucun cas d‘être un créatif – c’est inscrit dans son ADN – mais que ça ne suppose plus, ni n’induit, une course indigne à la productivité et à la rentabilité. Concrètement, Gary s’est donc «installé comme un observateur impliqué», en l’occurrence du thermo-hygrographe, considéré comme « se produisant et s’installant sans son intervention ». Reste à savoir si cette observation et cette reconnaissance du « déjà produit et installé » relèvent de la posture ou de l’art. En tout cas, elle a libéré l’action du créatif Bigot, son statut aussi.
Sur le chemin de cette liberté, s’agissant de la propriété intellectuelle, Gary pousse même le bouchon assez loin, tout en se gardant de snober la nécessité matérielle qui souvent contraint l’artiste au travail mais dont lui, a la chance d’être dégagé. Ainsi, partant du thermo-hygrographe, considérant que son «œuvre est terminée mais pas clôturée», Gary autorise chacun à s’en servir, à réaliser des œuvres, expositions ou discours, même en vue d’une commercialisation, donc, d’un profit, et ceci, sans son accord! Une position qui aurait le talent de faire sourciller un certain Alexandre Gurita, artiste agitateur, visionnaire et défricheur, dynamiteur de pavés dans la mare du marché de l’art.
Et justement, si la révolution Bigot ne s’explique que par les accents et tournants de sa longue carrière – on va y revenir –, elle trouve un incontestable écho dans les théories développées par Alexandre Gurita, rencontré en 2002, l’inventeur/ défenseur de l’art invisuel qui se résume en raccourci comme un art affranchi de l’œuvre d’art, de son dessein spectaculaire et marchand. On s’étonnera donc peu de savoir que Gary Bigot soit intervenant à l’Ecole nationale d’art (ENDA) précisément initiée par Gurita, une anti-école, sans classe ni professeur, qui promeut un code alternatif au cursus artistique traditionnel, offrant à ses participants l’opportunité de se libérer des acquis hérités de l’histoire de l’art, et que, de la même manière, Gary Bigot se rallie à la Biennale de Paris, cette ancienne institution créée par Malraux sur laquelle Gurita a fait main basse en 2000, la transformant en une manifestation sans expositions, et sans murs, où brasser des recherches, des expérimentations et des « histoires hybrides », tout cela qui nourrit la réécriture de « certains enjeux de l’oeuvre dans l’art du XXIe siècle ».
Reprenons par le début. Il était une fois Gary Bigot, né en 1949 à Beerse – commune néerlandophone de Belgique –, l’aîné d’une fratrie de quatre enfants, un aîné très indépendant, autonome, toujours à vadrouiller dans les bois avec son vélo, mais que son grand-père amenait régulièrement au musée des Beaux-Arts d’Anvers. Elle vient de là, peut-être, son envie de devenir artiste, et surtout de trois aquarelles pendues au-dessus du canapé, qu’il adorait et qu’il a gardées, maintenant qu’il habite à Ehnen, en Moselle luxembourgeoise, parce qu’elles ressemblent à l’image de son enfance.
Très vite, il y a eu le dessin, des Humanités artistiques, puis l’Académie d’Anvers et enfin, à La Cambre (Ecole nationale supérieure des arts visuels), il y a eu la peinture tridimensionnelle, sous la houlette de Jo Delahaut (1911-1992), chef de file et principal théoricien de l’abstraction construite belge, adepte aussi de philosophie orientale. Partant de là, tous les travaux de Gary, balisés par des dates-clés, répondent à un impérieux besoin d’interroger des vérités universelles, ou de refuser tout dogme, dans un but à la fois simple et complexe, être libre.
En 1973, Gary, qui pratique déjà l’image (la vidéo et la photo), s’investit dans une sorte de jeu numérologique qui deviendra sa marque de fabrique: en l’occurrence, il analyse et enregistre l’espace selon différentes mesures, qu’il traduit en lignes, sur une bâche noire. Le dessin final ainsi obtenu est sa façon de piéger la connaissance, laquelle doit obligatoirement résulter de l’empirique, de l’expérience : « Mesurer, c’est accéder à une forme de connaissance finalement réductrice ou ondulatoire, puisqu’elle va dans le sens où tu veux qu’elle aille. Et donc je mesurais », explique Gary, « une expérience que je convertissais par un chiffre. Et ce chiffre, je le transposais dans une autre action. Ainsi, devant trois pots de fleurs, par exemple, je mettais le chiffre 3 – qui est une notion abstraite – puis je faisais trois pas, ce qui est un équivalent mais aussi une ondulation, qui participe du temps, lequel, cqfd, est une ondulation; ensuite, je traduisais tout cela en photos ».
En 1975, alors lauréat de la Jeune peinture belge – Prix décroché pour son travail d’arpentage –, Gary fait une rencontre décisive avec Fernand Spillemaeckers, fondateur en 1970, à Bruxelles, de la Galerie MTL, qui deviendra la plateforme de centaines d’expositions fédérant les protagonistes de ce que l’on a coutume d’appeler « l’art conceptuel ».
Pour exemple, chez MTL, Gary, testeur spatio-temporel, se poste devant une fenêtre muni d’un lot de crayons de couleur et d’une pile de fiches de carton blanc où, sur chacune, il note le passage de chaque personne se présentant à son regard par un chiffre chaque fois de couleur différente. Les fiches, correspondant donc à une succession de chiffres colorés, étaient ensuite empilées dans un boîtier de plexi. Reproduite deux dimanches après-midi de suite, l’expérience s’est matérialisée en deux boîtiers, dont le second était plus haut que le premier, comme une démonstration, simple mais efficace, d’une autre façon de mesurer le flux… par le vécu.
Toujours est-il que si l’aventure MTL séduit Gary, elle n’étanche pas sa soif antisystème. Faire des œuvres qui ne sont pas dans les normes tout en collaborant à des expositions conformistes, est une chose, mais de là à se résoudre à « fonctionner dans les normes du circuit galerie/collectionneurs » est un pas que Gary, le réfractaire jusqu’au boutiste, ne peut accepter, ni donc franchir.
1978 est l’année de la Biennale de Venise. Gary y débarque avec l’envie de déranger. Le projet est celui d’une installation de photos du Canal Grande en jouant « sur les notions d’intervalle et de durée ». Le Canal Grande est ainsi « jaugé » sous trois angles ou plutôt, sous l’angle d’un nombre, le 3 (encore lui!), « une valeur qui a conditionné l’identité cultuelle vénitienne ». Et ses photos, Gary les a collées de façon brute, sans finition, sur les murs des différentes salles du Pavillon, ce qui a eu le don d’irriter l’institution.
C’est cette attitude où percole le refus à la fois de l’esthétisme et de plaire, où prévaut aussi un jeu créatif, qui explique pourquoi et comment l’artiste a évolué. On ne peut d’ailleurs pas parler de rupture. Il n’y a pas eu cette brutalité, non, le ras-le-bol a été progressif, amplifié par la frustration de dessins qui s’accumulaient sans être vendus, stimulé également par des lectures de philosophie, où il est question de la pensée (logique et langage) de Wittgenstein, et du matérialisme anglais.
Au lendemain de la Biennale de Venise, Gary Bigot a 30 ans. Il fait le vide. Tiraillé entre le besoin de gagner sa vie – il devient vendeur de tapis d’Orient, job qu’il assume jusqu’en 1990 – et sa volonté de rester artiste, mais pas malgré tout, pas au prix de la flatterie, de la soumission au curateur ou au critique. Et donc, quoi ? Gary réfléchit à produire autrement, voire à ne plus produire. C’est l’époque de la carte blanche de la commune de Jette, c’est en même temps celle de la Maison de la culture de Tournai. Celle aussi des Beaux-Arts de Charleroi et celle de l’Internationaal Cultureel Centrum (ICC) d’Anvers. Quatre cas participatifs et interactifs, impliquant le médium photographique, la performance et l’installation.
A Jette, en 1979, Gary entreprend d’analyser l’espace intérieur de l’Abbaye de Dieleghem. Par la photo, il fait d’abord un inventaire des éléments architecturaux – plafond, lambris, colonnes –, puis des objets rapportés, dont buste, lustre et piano. Sur ces objets, Gary est ensuite intervenu, caressant des doigts la statue, déplaçant des ampoules, déposant des morceaux de plâtre sur la piano. Intervention qu’il a enregistrée photographiquement, pour, au final, proposer une installation qui comprend à la fois des éléments manipulés (restés en l’état dans l’espace) et des photos (documentant le lieu et la performance) disposées de façon circulaire autour du piano. Le tout confortant l’édifice Bigot, celui d’un « artiste non pas de production mais de mise en situation : je n’ai jamais été qu’un élément sensible, qui intervient le moins possible. Et si le changement est quasi nul, c’est parce que seul le vécu est important ».
A Charleroi, Laurent Busine, le directeur du Palais des Beaux-Arts – qui ensuite prendra les rênes du Grand-Hornu – retient le projet « Le miroir cognitif », une performance dans laquelle Gary prétend influencer son activité cérébrale, enregistrée sur moniteur vidéo, par la méditation. En retour, comme s’il malaxait une glaise, l’électroencéphalogramme semble guider l’action de Gary.
A Anvers, à l’ICC – première institution publique d’art contemporain en Flandre fondée en 1970, point focal de l’avant-garde internationale et nationale grâce, entres autres, à la vidéo – , Gary porte son dévolu sur une salle interdite au public, affectée au strict stockage des dispositifs calculant la qualité de l’air de la métropole, installés par l’industrie de la pétrochimie d’Anvers. Il n’en fallait pas davantage pour que le créatif Gary décrète – la déclaration faisant acte – qu’«il n’y avait qu’à ouvrir les portes pour disposer d’une exposition parfaite». Portes, du reste, très vite refermées par les préposés au gardiennage, de sorte que peu de gens ont pu voir cette manifestation, au demeurant collective, intitulée « De structuur vorbei » (« Au-delà la structure »).
A Tournai, en 1980/81, c’est la première fois que l’artiste Bigot se distancie clairement de la production. De fait, recrutant des volontaires, les invitant à photographier des appareils sensibles, il «se contente» d’exposer sur les murs et le sol toutes ces photos qu’il n’a certes pas prises mais qui, toutes, nous parlent d’enregistrement de la perception et de sa traduction lisible pour le public. Une œuvre est née, non définie par une qualité formelle ou esthétique, non asservie à un savoir-faire, mais tributaire – même temps que génitrice – d’une exploration du regard, de son contexte, de son environnement, ce qui, sans conteste, relève purement d’un acte artistique.
Gary gomme les contraintes. Son détachement est consommé lors d’un voyage en Espagne, en Galice, au bout du Saint-Jacques-de-Compostelle, où visitant un petit musée, son oeil tombe sur un thermo-hygrographe. Posé sur un socle, au beau milieu de magnifiques petites sculptures polychromes posées elles aussi sur des socles. Flash immédiat. « Ce presque ready-made, bien différent toutefois de celui d’un Marcel Duchamp, fut une révélation: c’était une réponse à mes doutes, au comment fonctionner dans le milieu de l’art sans ne plus y être ». Le thermo-hygrographe, « appareil parfait, dans une situation parfaite – présent partout, dans les lieux dédiés au folklore, à l’art contemporain ou à l’armée tout aussi bien – , je me le suis approprié : je l’ai vu, reconnu et il me remplace, condition nécessaire et suffisante pour dire que c’est mon œuvre à moi ».
Et c’est ainsi, en 1985, que Bigot décide universellement et par droit de propriété intellectuelle que chaque thermo-hygrographe, où qu’il se situe dans le monde, est sa propre œuvre d’art.
Gary a effectivement bourlingué, dressant un inventaire photographique de tous les thermo-hygrographes rencontrés au cours de son périple à travers le monde, y compris, par exemple, dans une fromagerie à Pau ou dans un souterrain à Han. « Il y avait un côté ludique; en revoyant la photo, je revivais la situation, le lieu où j’avais découvert le thermo-hygrographe que j’appelle « mon œuvre », mais comme une métaphore de moi-même : le thermo-hygrographe, c’est moi ».
Cet inventaire, parfaitement instantané – du pur « clic clic Kokak », non pas de la photographie cadrée –, Gary a été invité à l’exposer chez Marie-Puck Broodthaers – fille de l’inclassable Marcel Broodthaers, célèbre jusqu’aux Etats-Unis pour ses casseroles de moules – ainsi qu’au Petit cabinet d’art contemporain à Bruxelles. Sauf que là, au Cabinet, le choix avait été fait d’agrandir certaines localisations et de faire une exposition avec ces seuls agrandissements. Il s’agissait, donc, ni plus ni moins, d’un retour à une forme conventionnelle d’exposition, celle-là même dont Gary cherchait obstinément à se débarrasser. C’est ce qui l’a poussé à formuler ce qu’il appelle sa « troisième résolution », à savoir : « pas de profit pour moi-même », laquelle rejoint ses deux autres principes que sont « pas de production par moi-même » et « pas de promotion par moi-même ». Principes somme toute logiques dans la perspective yoga du lâcher prise, que l’homme Gary applique à sa vie personnelle.
« Jamais l’argent ne transite, c’est mon intégrité telle que je l’ai définie », insiste Gary, campant dans une attitude que d’aucuns qualifient hâtivement d’enfant gâté ou d’intellectuel déconnecté. Mais si la position paraît extrême, elle ne l’est peut-être pas pour le grand public, capable de cerner à peu près ce qu’est un sculpteur, un peintre ou un comédien, mais qui peine à dire ce qu’est un artiste, sauf à le caricaturer comme un rêveur vivant d’amour et d’eau fraîche. Or, un artiste a le droit, aussi légitime qu’élémentaire, de gagner de l’argent avec son travail, fût-il d’esprit. On entend – mais ça devrait se graver dans un marbre – que si la culture a un coût, elle n’a pas de prix, eu égard à son pouvoir/ rôle d’édification ou de réenchantement d’une société. Et, forcément, il en va de même pour l’art. En veillant toutefois à (se) répéter que « art » et « marché » sont deux dimensions à ne jamais confondre.
Toujours est-il que, depuis 1985, le thermo-hygrographe ne cesse de faire florès. Notamment au sein des musées. A l’exemple de la Maison Victor Hugo, place des Vosges, à Paris, qui, bien que dépourvue elle-même d’appareil du genre, initia en 2006, dans son salon, une exposition ressemblant une douzaine de thermo-hygrographes, tous prêtés par les différents musées de la Ville conquis… par le jeu sans enjeu.
Certains musées inscrivent même dans leur catalogue le terme thermo-hygrographe parmi leurs œuvres – c’est le cas, en 2007, du Civica Galleria de Arte moderna di Gallarate, près de Milan, certifiant ainsi que l’objet est une métaphore de l’artiste. Ou qu’entre l’objet et l’artiste, il y a non pas une paternité mais une identification.
Fréquemment, il est arrivé que de retour d’un voyage, un quidam (ami ou sympathisant) envoie à Gary une photo du thermo-hygrographe qu’il a repéré lors de son séjour – en l’occurrence à Berlin – avec pour toute mention, un nom : Gary Bigot. Sauf que ce type d’envoi a eu tendance à se multiplier, « les gens font « un Gary Bigot » ». Sauf aussi que de cette forme de participation à son œuvre, Gary n’en peut plus. Il ne veut plus gérer l’enthousiasme dont témoigne l’afflux des participations extérieures. Dès lors, quand il dit « je me détache », c’est désormais une profession de foi à lire comme le triomphe de la singularité.
Et la singularité, c’est cette notion qui nous conduit à évoquer/ situer cet ultime épisode décisif qu’est la rencontre avec Alexandre Gurita : « c’était la confirmation pour moi », dit Gary, « que je n’étais pas le seul à chercher l’authenticité et l’individuation ». Alexandre finissait ses études aux Beaux-Arts à Paris et « sa réalité à lui, c’était : « mon œuvre, c’est ma vie » » – son travail de fin d’études en porte encore les stigmates, puisque la cérémonie dont il y était question n’était en aucun cas un happening mais… son vrai mariage. Et quand Alexandre décida de s’approprier cette coquille alors vide qu’était la Biennale de Paris, c’est fort d’un seul critère, celui du renouveau. Auquel Gary a d’emblée adhéré, saluant cette « piraterie dans l’art ».
La rencontre physique a eu lieu chez Alexandre en 2002. « On voulait désarmer le pouvoir du circuit ». Les réflexions ont eu la dent dure, aboutissant à l’art invisuel, une théorie édifiée par Gurita en 2004, qui remet en cause la notion même de l’art. Dans la dialectique de Gurita, « ce qui prime aujourd’hui, c’est la singularité, laquelle prévaut sur l’originalité », et sous cet angle, « retour il y a à l’individu ». Autrement dit, « l’art n’existe pas, c’est l’artiste qui transforme l’objet en une œuvre par son regard ».
Conséquemment, si le regard est le sésame supérieur, magistral et souverain, quiconque en a la capacité ou l’acuité peut donc se targuer d’être (un) artiste. En prime, dès lors que l’institution muséale sanctifie le regard – en supposant aussi que la reconnaissance muséale soit cela qui légitime le statut d’artiste -, alors s’ouvre le champ de tous les possibles.
Gary a le privilège de ce champ; il se dit tout étonné de continuer à exister malgré sa radicalité, et son égoïsme (sic). « Ma décision date d’il y a déjà trente-cinq ans, mais je persiste et signe ». Ce qui ne l’empêche pas d’avoir « un dernier défi non encore accompli ». A savoir : se confronter à « une galerie qui s’approprierait tous les droits de ses droits » en faisant « un ersatz de Bigot » – une peinture, par exemple, peu ou prou inspirée de ses photos –, assimilable à une imposture.
Au fait, quel serait le monde de l’art idéal selon l’artiste ? « J’aime que l’art soit accessible à tous, qu’il soit participatif. Surtout, qu’il ne soit pas en dehors de la vie et, d’abord, qu’il ne soit pas prétentieux – le prétentieux étant celui qui veut être sur un piédestal et qui voit du plagiat partout ». Il y aurait de l’utopie douce dans le vœu du créateur Bigot, mais c’est ce dont notre monde en manque de regard a grand besoin. Et qui prouve, s’il le fallait encore, que Gary Bigot est un artiste, authentiquement.
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Marie-Anne Lorgé est licenciée agrégée en histoire contemporaine sociale et de l’art de l’UCL (Université catholique de Louvain). Elle est comédienne (premier Prix de Conservatoire à Bruxelles et à Luxembourg) et critique d’art, membre de l’AICA depuis 2016. Elle a été rédactrice en chef culture de « Le Jeudi », hebdo luxembourgeois de langue française, de 1996 à 2019. Aujourd’hui elle agit en indépendante au service des arts et des artistes notamment via le blog marie-anne-lorge.com.
Personnellement, j’ai choisi Rien à Vendre Rien à Acheter.
La dépendance, c’est la pire des choses qui puisse arriver à un Artiste, c’est l’ultime poison qui nous éloigne de l’Amour, le partage de la vie, du sublime.
Je m’éloigne de la Critique, je veux juste un grain de sel de plus pour faire échapper la planète comme spectatrice à un nouveau carnage.
Alors croyons-nous à quoi?
je viens juste de découvrir votre blog… je suis impressionné… je croyais connaître l’essentiel sur le projet de l’ENDA et de la Biennale de Paris, mais j’étais loin du compte… je ne connaissais ni Gary Bigot, ni Alexandre Gurita, ni votre expertise en matière d’art invisuel et ou encore d’art par hasard, d’art jeu sans enjeu ni moindre coups de dés, d’art comme ça vient, comme ça se présente… merci de me tenir informé dès que vous signerez d’autres approches à ce sujet… cordialement…