(38) Par Marie JULIE –
Ceci n’est pas une thèse, un essai peut-être ?
À partir d’entretiens, de textes et l’analyses de pratiques artistiques, regroupés sous la terminologie d’art invisuel (1), par Alexandre Gurita, en 2004, nous questionnerons « les ambitions et les limites » (2) des dimensions sociologiques de ce nouveau paradigme en art. À la fois jeux et enjeux au sein de l’art contemporain et ses marges, l’art invisuel interroge l’invisualité dans les codes de représentations des arts visuels, de manière économique, sociale, politique et cognitive. Son ADN est composé d’ères ludiques collectives, d’entraides, de nouvelles économies alternatives au marché de l’art, de communautés d’artistes, d’une éthique et des esthétiques renouvelées avec une dimension politique plus large que le contexte de l’art et son marché.
Cet ADN est propice à l’émergence d’une écologie relationnelle dont les bases s’appuient sur la mise en commun de leurs praxis, de leurs poésis et de leurs partages au plus grand nombre des participants à l’écosystème de l’art.
L’art invisuel, selon des entretiens conduits de manière informelle avec Alexandre Gurita depuis janvier 2020, et ceux qu’il a donné, de manière médiatique, décrit un ensemble de pratiques apparues au début des années 60. Ces pratiques sont des réservoirs de postures singulières d’artistes qui refusent l’œuvre d’art comme format unique de l’art.
Dès le début du XXème siècle, des artistes ont abordé la notion d’invisualité dans la création de leurs œuvres. Dans son article « Désapparaître », écrit à l’occasion des deux journées d’études de l’Université de Caen sur « Les figures et les modalités de l’apparition dans les œuvres d’art » en 2015 puis édité aux Presses Universitaires de Caen, l’historienne et critique d’art, Camille Paulhan (3) dessine une première ligne temporelle d’artistes qui refusent la visualité comme finalité de l’art. Dès 1950, Gustav Metzger (4) peint avec de l’acide et Wolf Vostell (5) entame une série d’effaçages picturaux avec diverses substances tandis que Marcel Broodthaers (6) plâtre sa poésie et que Mel Ramsden réalise ses « secrets paintings » dont les contenus sont connus de l’artiste seul.
Dans les années 60, les Street Works new yorkais (7) convoquent, eux aussi, les notions de confidentialité, d’invisibilité.
En 1980, Ghislain Mollet-Viéville (8) présente « Établir le désordre », œuvre « à l’éviction de toutes les œuvres de sa collection d’art minimal et conceptuel » et affiche à sa fenêtre « L’art c’est secondaire. ».
Les pratiques invisuelles englobent aussi des pratiques de critiques d’art, de commissaires et de conservateurs de musées. Cependant, notre étude portera surtout sur les artistes et les théoriciens de l’art invisuel. Dès le début du XXème siècle, de manière non révocable, des artistes refusent discrètement l’hégémonie de la visualité.
Ben Vautier (9), par exemple à propos de ses Mystery Box, conservées au MoMA (10), lance ce défi, à l’injonction de la visualité : « Cette boîte perd toute sa valeur esthétique si vous l’ouvrez ». (11)
Face à ses héritages qui questionnent déjà la visualité telles que les œuvres « Air de Paris » (12) en 1919 et « Belle haleine » (13) de Marcel Duchamp (14) puis dans les années 60 avec les « Merda d’artista » ou « Linéa » de Piero Manzoni (15) et qui sont scellées, que ce soient dans les vitrines de l’institut muséal ou dans les coffres-forts des collectionneurs, un jeune diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1999, Alexandre Gurita, à la croisée de plusieurs héritages des avant-gardes, de l’Appropriationisme (16), de « l’art et la vie confondus » d’Allan Kaprow (17) , de la dimension politique des situs (18) dépasse ces propositions. Il s’empare de la Biennale de Paris.
Cette biennale a été fondée par André Malraux (19), lors de ses fonctions au ministère des affaires culturelles, afin de permettre aux jeunes artistes, de présenter leurs productions hors des normes académiques.
En 2000, Alexandre Gurita capte cette institution dont la propriété intellectuelle est tombée dans le domaine public en 1986.
Alexandre Gurita, artiste et capteur d’institutions se définit alors comme un stratège dans le secteur de l’art et opère sous différentes identités. Dans un article de Barbara Legras, publié dans Artistik Rézo, en juillet 2020, il déclare « (…) « Ce sont des modes de vie, des styles de vie, des attitudes, des modes opératoires. L’art visuel a des limites qui sont les mêmes que celles des œuvres d’art justement. Or il existe d’autres formats d’art. Pour moi, l’art invisuel rabat les cartes du secteur de l’art au même titre que les révélations de Galilée sur la terre le firent pour le monde des sciences » (20) .
Ces pratiques artistiques questionnent la nature hégémonique des arts visuels au sein de l’art, le statut de l’œuvre d’art, de sa réception, le statut d’auteur et le marché de l’art. Les artistes dont les pratiques sont invisuelles, refusent les conventions d’usages qui définissent l’art depuis la Renaissance.
Ils se décentrent du registre des arts visuels, de l’objet d’art et des lieux de l’industrie culturelle.
Les pratiques invisuelles dévoilent des artistes capables de créer leur propre économie en dehors des lois du marché de l’art, de s’organiser en de nouvelles communautés basées sur une éthique relationnelle différente et l’intelligence collective, d’opérer de nouvelles dimensions esthétiques et citoyennes, de produire de nouvelles perceptions cognitives visibles de l’art sans être visuelles.
Dans une capsule spatio-temporelle choisie de l’histoire de l’art du XXème siècle et de ses avant-gardes, à partir d’une géographie à échelles variables (locale et mondiale) et de bornes temporelles comprises entre 1980 et 2020, nous questionnons ces pratiques artistiques et son paradigme dans ses dimensions sociologiques :
Quelles sont leurs ambitions ?
Quelles sont leurs limites ?
Quand se dépassent-elles ?
Quels sont les enjeux ?
Après avoir posé le cadre de ma recherche, je reviens d’un « nous au je » (21) pendant quelques lignes pour présenter le topique d’où celui-ci puise son origine.
Au début des années 2000, au détour d’une déambulation sur les internets, l’art invisuel entre dans ma vie de jeune étudiante en école d’art. Nous sommes fin 2003 et derrière mon écran informatique, je reçois la programmation d’événements prévus à Paris et regroupés sous l’acronyme de BDP.
Un événement en particulier attire mon attention : Le musée des Nuages (22). Derrière cet acronyme, je découvre une biennale insolite, la Biennale de Paris. Cette institution propose des rencontres d’artistes qui déploient manœuvres, actions in situ, convivialité dans divers lieux alternatifs. L’ensemble du corpus présenté semble affilié aux expériences de Marcel Duchamp, de John Dewey (23), de John Cage (24), de Art & Language (25), de Fluxus (26), des Situs, d’Allan Kaprow et du Black Mountain Collège (27).
En 2005, alors que se déroulent ces expériences à Paris, je vis à l’île de La Réunion.
J’y suis un cursus estudiantin à l’École Supérieure des Beaux-Arts de La Réunion. C’est dans ce cadre que je rencontre Jean-Baptiste Farkas (28), artiste et président de l’Amicale de la Biennale de Paris (29).
À partir de sa pratique artistique, il partage avec nous les cadres conceptuels de l’art invisuel dans des workshops « art, recherches, créations » auxquels je participe.
Si ces premières interactions avec des artistes présents dans l’histoire et le développement de l’art invisuel sont liminales, mes recherches d’apprentie plasticienne se caractérisent, déjà, par des pratiques d’infiltrations et de ruses présentées, la plupart du temps, dans des formats performatifs hybrides où « l’œuvre » est une archive contextuelle, d’une expérience sensible et sociologique plus large et le point de départ de l’élaboration du métalangage balbutiant de mon processus de création.
Jeux, aires de jeux et ères ludiques collectives
« L’objet d’art est une manifestation résiduelle de l’être et en ce sens il est devenu sous artistique. L’objet d’art n’est plus une solution pour l’art et l’artiste », Alexandre Gurita, entretiens 2020
« Les limites de l’art sont plus larges que les limites de l’œuvre d’art » affirme Alexandre Gurita dans notre entretien du 29 août 2020. Il précise que « l’œuvre d’art n’est qu’un format parmi d’autres et non pas le seul et l’unique tel que peuvent le penser les artistes et les autres professionnels de l’art mais aussi les publics. La pratique invisuelle exclut toute œuvre d’art » et évoque le changement de paradigme tracé par l’art invisuel, comme celui qu’impliqua la révolution copernicienne.
Fragments de conversations
(janvier – septembre 2020)
MJ : L’évolution des pratiques et la capacité des industries culturelles, du capitalisme et post capitalisme à tout absorber peut-elle à un moment définir une pratique comme œuvre d’art ?
AG : « (…) Par analogie, l’humanité pensait que la Terre était au centre de l’univers jusqu’il y a 400 ans. On sait depuis la révolution copernicienne que la terre n’est pas au centre de l’univers. L’invisuel opère le même changement de paradigme en affirmant que l’oeuvre d’art n’est pas le seul format pour l’art et qu’il en existe plusieurs. Une institution qui récupère une pratique de nature invisuelle devra s’adapter mais en s’adaptant elle devra changer, et en changeant, elle sera modifiée par cette pratique. Mais dans ce cas, on ne peut plus affirmer qu’il s’agit d’une récupération mais plutôt le contraire. »
MJ : Par exemple, est-ce que si la captation d’institutions devenait une pratique courante et que tout à coup, elle se retrouvait exposée à Beaubourg comme œuvre sous la forme d’archives comme a pu le connaître d’autres mouvements ayant interrogé le statut de l’objet d’art et ses limites dans l’art, modifierais-tu ta pratique ?
AG : La captation institutionnelle ne peut être présentée que sous forme de documentation. Les mouvements, actions, projets dont tu parles ont été de type « art visuel », œuvres, matérielles ou immatérielles, ce qui fait que l’institution les a récupéré. Parfois il s’agissait d’une action ponctuelle de nature invisuelle noyée dans une production d’art visuel. Quand l’invisuel est l’exception, il n’a pas d’intérêt ni de sens. L’invisuel prend tout sons sens quand il devient la règle dans une pratique. La captation d’institutions est une catégorie invisuelle parmi bien d’autres.
MJ : Peut-on parler d’hybridité dans l’art invisuel ? Hybridité dans le sens où à partir d’une pratique invisuelle, il est possible de modifier une pratique mais en se modifiant pourrait-elle réintégrer le régime de hiérarchie existante des arts classiques et le registre des arts visuels ? C’est encore flou mais je te pose la question pour le clarifier dans ma recherche car aujourd’hui, il est admis dans le régime hiérarchique des arts classiques que l’œuvre puisse se traduire par des modes opératoires qui annexeraient même le langage propre à l’œuvre d’art ou de son existence. Et je crois que la situation récente pandémique va accentuer cela. Ce qui me semble important est de bien définir les cadres d’apparition et de disparitions de l’art invisuel et de l’ensemble des pratiques qui le composent tout en se laissant le libre arbitre d’enrichir la terminologie à mesure que les pratiques se développent.
AG : Il y a trois possibilités : être visuel, être invisuel, être un mix des deux. Une pratique invisuelle ne fait sens que si elle se maintient constamment invisuelle. Pour rester invisuel, ça demande une vigilance constante. Définir les cadres d’apparitions et de disparitions de l’art de nature invisuelle me semble assez essentiel.
MJ : Dans mon premier paragraphe j’évoquais le fait qu’avec la pandémie et la nécessité de repenser les modes de productions d’art, certains artistes pourraient être tentés de s’approprier la terminologie de l’art invisuel pour décrire les modi operandi des processus qui seraient encore des produits dédiés aux marchés de l’industrie culturelle ou de l’Art Contemporain.
AG : Avant la pandémie des artistes se considéraient invisuels mais c’était seulement dans la parole, dans les faits, ils faisaient du visuel. J’ai eu plusieurs fois des remarques du genre « j’aimerais vous faire connaître mes œuvres invisuelles, ma peinture invisuelle ». La pandémie accélère ce processus comme tu le dis justement. » Extrait des entretiens entre Alexandre Gurita & Marie Julie, janvier – août 2020.
Les hypothèses de recherches de l’essai s’articulent autour des expériences passées et en cours des artistes aux pratiques invisuelles, notamment d’Alexandre Gurita et des artistes du corpus, dont quelques-uns sont précisés plus loin.
Le point d’ancrage de la réflexion est « l’entraide, un facteur d’évolution » (30) dans la sphère relationnelle des praticiens et au-delà.
À ce stade de ma note d’intention, il est important de préciser que si certains de mes modes opératoires sont à la lisière de l’art invisuel, je ne suis pas une artiste invisuelle, ayant encore dans ma pratique une présence du dessin, de la performance, de la manœuvre et du texte et que je suis auteure de poésies, de nouvelles, de court récits et de scénarii.
Cependant, lorsque j’inscris mes propositions de nature artistique au sens de l’art contemporain et actuel, dans un cercle de diffusion en lien avec les arts visuels, elles sont les prétextes, de manière générale, à la rencontre et à interroger, dans une posture de désobéissance, ces espaces-temps, leurs hiérarchies invisibles et leurs modalités de légitimation des artistes.
Ici, à cette étape de ma rédaction, le « je » peut à nouveau laisser place au « nous ».
L’entraide, un facteur d’évolution dans la sphère relationnelle des praticiens de l’art invisuel et au-delà
« Un art libéré de l’idée de l’art ce serait tout un art », Ghislain Mollet-Viéville
Catalogue de la XV Biennale de Paris, 2006-2008 (31)
De ce point d’ancrage, nous explorerons des probabilités, des axes et des enjeux économiques, sociaux, politiques et cognitifs de l’art invisuel.
De ce qu’il est possible de percevoir, à cette étape de la collecte de données, d’informations sur l’art invisuel et des objectifs de recherches, il semble important de mettre en lumière, les ferments semés depuis 1997. Ils favorisent entre les praticiens, des modalités de collaborations, de coopérations, d’associations où semble s’élaborer, à première vue, des principes d’intelligence collective, de bienveillance, de générosité et d’exigence par delà les divergences d’opinions ou de catégories de pratiques invisuelles.
Souvent, les productions invisuelles interrogent la notion de propriété et d’autorat (32) : elles sont collectives, composites, libres de droit, en copyleft ou sous licence Art Libre (33). Les règles du jeu économique traditionnel du marché de l’art sont rouées de coups par ces nouvelles relations amicales ou complices qui se tissent dans la sphère relationnelle des praticiens de l’art invisuel.
Qui sont les porteurs, les précurseurs de ces nouvelles postures, de ces nouvelles économies ?
Les précurseurs, praticiens et après : nouvelles économies, nouvelles postures
« Avant qu’il n’émigre vers la politique, l’art a longtemps été le milieu naturel du sujet critique, l’animal d’élevage le plus perfectionné de la modernité, celui qui est capable de produire le plus grand nombre de représentations qui débordent le présent et en même temps figent le futur. Animal parfait parce qu’il nourrit le monde d’événements en même temps qu’il se nourrit lui-même », p36, Superstitions, Francesco Masci (34), éditions Allia 2005.
Notre analyse porte sur les nouvelles règles du jeu qui sont distribuées au sein de l’art invisuel. Par une étude critique des pratiques artistiques qui y ont lieu et de leurs structurations économiques, nous interrogeons leurs modalités d’existences économiques et financières. Pour exemples, Bernard Brunon (35) crée « That’spainting! », une entreprise prestataire de peinture en bâtiment, en 1984, à Houston ; Baptiste Pays est le fondateur de Global Screen Shot, structure où il œuvre à immiscer des artistes au sein du milieu ordinaire du marché de l’emploi tandis que Ludovic De Vita met à l’œuvre au sein de l’IRISA, l’institut qu’il a créé à Paris, des questions autour « des pratiques artistiques et des processus de singularisation par la créativité et l’innovation » (37).
En 2018, sous l’impulsion d’Alexandre Gurita naît Le Forum mondial des économies alternatives (Fomea) (38) dont la première édition a lieu à l’Hôtel de ville de Paris. Ce forum a pour fil rouge la possibilité de modèles économiques innovants et alternatifs au marché de l’art, l’économie dans la pratique des artistes invisuels, leur autonomie hors du marché de l’art et les nouvelles synergies innovantes. L’une des règles perceptibles de l’économie de l’art invisuel est la désobéissance économique aux normes instituées par le marché de l’art.
Ces normes du marché de l’art sont, de manière générale, basées sur « l’économie réputationnelle » (39) des artistes exposés, de la spéculation, la diffusion et de l’accumulation d’objets d’art dans le champ des arts visuels.
Cette désobéissance est rendue possible par l’association de ces artistes à faire émerger ensemble par delà leurs esthétiques, leurs pratiques et leurs individualités, de nouvelles éthiques dans le champ de l’art.
De ses enjeux économiques, l’art invisuel laisse se profiler une nouvelle société dont les communautés d’artistes activent des modi operandi de productions invisuelles, fabriques d’émotions nouvelles de l’art.
L’artiste Elisa Bollazzi directrice de Micro Collection (40), oeuvre en flibustière aguerrie à un institut d’art d’un genre nouveau dont la collection est composée de micro fragments d’œuvres acquis par le geste chirurgical de celle-ci ou des contributions qui lui viennent du monde entier. Elle invente une nouvelle coopération à fabriquer de nouveaux récits disponibles pour l’ histoire de l’art dont la valeur d’usage supplante la valeur marchande de l’objet d’art.
Rose-Marie Barrientos (41), historienne de l’art et apprentie philosophe porte son regard sur les liens qu’entretiennent économie et art dans l’économie de l’artiste où elle pointe les dynamiques d’économie circulaire à l’oeuvre dans la production de pratiques invisuelles.
Claire Dehove directrice de Wos/Agence des hypothèses (42) formule des hypothèses avec des groupes à géométrie variable et les dissémine dans des contextes socialisés. WOS co-crée des fictions institutionnelles qui génèrent des communautés solidaires et des anarchives citoyennes révélant, par une économie contributive et des procédures collaboratives, des récits, des mémoires et des alter-réalités.
Et ces dynamiques fondées sur des postures et des regards atypiques sur l’économie de l’artiste favorisent au sein de l’écosystème de l’art invisuel l’apparition de communautés d’artistes.
Qui sont ces communautés d’artistes aux Modi Operandi de productions invisuelles et d’éthiques nouvelles ?
Communautés d’artistes, Modi Operandi de productions invisuelles, éthiques nouvelles
« L’émotion ne dit pas je », Gilles Deleuze
« Passer d’un je au nous », Jean-Baptiste Farkas
« L’émotion c’est la question de la communauté », Georges Didi-Huberman
En 1997, étudiant à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris (ENSBA), Alexandre Gurita décide de cesser toute production d’art visuel, d’objets d’arts. Un an plus tard il dépose sa vie à titre d’oeuvre d’art pour une durée de cinq ans, auprès de la société Protécréa. En 1999 il présente son mariage comme projet de diplôme devant le jury de l’examen final. Si le mariage d’Alexandre, comme nous avons pu l’indiquer en mentionnant la date de création de l’entreprise « That’spainting! », n’est pas la première manifestation perceptible de l’art invisuel, elle en affirme deux caractéristiques essentielles : la première est l’importance de l’acte collectif dans les productions invisuelles et la seconde, la relation comme un ingrédient incontournable de ces pratiques. Si ces éléments ne sont pas neufs dans la pratique des arts, c’est la première fois depuis les readymades de Marcel Duchamp, que « l’art et la vie se confondent » (43), de manière réaliste, sans dispositif de représentation, dans la vie d’un artiste. Dans cette proposition qu’est son mariage dans la chapelle de l’ENSBA, Alexandre Gurita pose la pierre fondatrice d’une nouvelle approche de l’invisualité débarrassée de la nécessité de l’œuvre d’art dans ses représentations et sa réception.
De 2004 à 2006, Jean-Baptiste Farkas a présidé à une quarantaine d’Amicales et une Hyper Amicale où des questions préparées de manière minutieuse en amont, sont débattues collectivement. L’Amicale de La Biennale était administrée par Claire Fouquet (44). Les rencontres se déroulent dans des lieux singuliers tels le salon d’un appartement, un bistrot de quartier, dans une cave etc. Au-delà des questions et théories mises à l’épreuve d’artistes aux pratiques et esthétiques non convergentes, il s’agit avant tout de se relier et de constituer une banque commune d’énoncés intellectuels.
Là encore, si ce n’est pas la première fois que des artistes s’associent pour produire des contenus théoriques, la nouveauté réside dans le fait que l’ensemble des participants a des appartenances, des clans et des esthétiques différentes.
Infiltrant de manière conviviale les vernissages, Auguste Legrand (45) (pseudonyme d’un artiste qui désire préserver son identité civile pour mener à bien son entreprise de collectes de sensations de vernissages.) les évalue et les critique avec une grille dont les critères sont la nourriture, les boissons, les conversations et non les objets d’arts ou les artistes présentés.
Bernard Delville (46) se définit comme un artiste permanent et intéressé par les énergies éoliennes. Lors de la XVème Biennale de Paris, il documente sur un projet de construction d’une éolienne dans un village en Belgique. Il fonde une coopérative « Allons en Vent » dont quarante quatre parts appartiennent à des enfants et/ou leurs parents. D’autre part, pour sensibiliser les enfants aux questions écologiques de 2001 qui sont devenues nos réalités en 2020, il fonde l’Académie en Air où les plus jeunes peuvent avec une animatrice questionner autant de thématiques tels que l’effet de serre, les dérèglements climatiques, etc.
La générosité, la convivialité, l’exigence, l’entraide l’intelligence collective, une économie collaborative où se côtoient pirateries, flibusteries et tentatives institutionnelles résilientes sont-ils des facteurs d’une possible nouvelle écologie relationnelle dans l’art invisuel ?
Dimensions esthétiques, dimensions citoyennes ?
« Progresser sans croître » Jean-Baptiste Farkas
«Le pire ennemi de l’art, ce n’est, contrairement à ce qu’a pu donner à croire la modernité, ni la vie ni le monde moderne ni la culture mass médiatique moderne, autrement dit un hypothétique ennemi extérieur, c’est l’art lui-même, et ce pas seulement au sens où l’art aspirerait à sa propre fin. », L’art dans l’indifférence de l’art, Jean–Claude Moineau, 2001
Jean-Claude Moineau (47), artiste et théoricien de l’art abandonne sa pratique artistique à la fin des années 60 sans pour autant abandonner l’art. Depuis, il a écrit de nombreux textes sur l’art et la musique. Il a enseigné à l’Université Paris VIII et a été conseiller de la Biennale de Paris.
Dans le catalogue de la XVème Biennale de Paris et dans la lignée de son ouvrage « L’art dans l’indifférence de l’art », paru en 2001, il écrit deux textes qui sans être des manifestes, proposent deux postures esthétiques et critiques des modes productivistes et consuméristes de l’art : dans le premier, « Pour un catalogue critique des arts réputés illégitimes », il propose un art micro artistique dans une perspective micro-politique. Jean-Claude Moineau indique que « (…) le rapport de l’art à la réalité ne saurait pour autant, comme dans la notion de régime esthétique des arts avancée par Rancière (49), se borner à être de nature représentative. L’art, comme dans le cas de l’art sans identités, peut bien chercher à intervenir sur la réalité, même si c’est sans doute à une micro échelle ; (…) l’art peut bien faire quelque chose qui ne soit pas de l’art. »
En 2005, c’est un objectif mené à une micro échelle qui détermine la création de l’association loi 1901, Comité de soutien « Que reste-t-il de Florian ? » (50) dont le but est de retrouver Florian, disparu à Rouen le 1er janvier 2004. Ici, la formule associative comme pratique invisuelle, s’empare d’un format dédié d’habitude à des comités de soutiens de disparus.
Ce collectif interroge la disparition de Florian dont nous ne saurons rien de plus que le lieu et la date de sa disparition. La disparition catalyse une nouvelle forme de solidarité citoyenne « du deuil d’un anonyme, solidarité partagée entre anonymes ». Tous les témoignages de sympathie sont médiatisés par France 3 Normandie. Autour de l’absence de Florian, le comité met en place deux nouveaux médias : une boîte vocale et une messagerie SMS à partir de 2005.
Puis, cette collecte de messages de soutien est transmise à la famille de Florian. C’est une esthétique collective agissante de la disparition et du soutien à ses proches qui se génère autour de Florian. L’absence, le deuil et le soutien deviennent terreaux d’art.
Cuisiner une recette ensemble et manger, produisent d’étonnants moments citoyens et subversifs. Très tôt, dans le cinéma, partager de la nourriture représente un enjeu sociétal capable de dénoncer des régimes totalitaires comme dans Salo ou les cent vingt journées de Sodome de Pasolini (51) ou se faire satire politique d’une époque comme La Grande Bouffe de Marco Ferreri (64). Dans les faits, ces grandes tablées sont toujours des espaces de représentations, mises en scènes. À l’exception des tentatives dans les squats et autres lieux alternatifs, comme par exemple la soupe du mardi à La Miroiterie (65), les tentatives de Food Art ont un faible coefficient d’efficience artistique. C’est dans cet interstice post Gordon Matta Clark (52) et antérieur au Couscous de Kader Attia (53) à la Colonie, que Ricardo Mbarak, à partir d’une idée simple et concrète lance en 2001 la Journée Nationale Libanaise du Taboulé. Le taboulé, salade populaire du Moyen Orient est donc fêté le premier samedi de juillet et partout dans le monde, sans aucune promotion de l’État libanais. L’idée se propage de manière virale. Aujourd’hui au Liban, c’est devenu officiellement La Journée du Taboulé. Ici, micro acte avec une portée politique qui dans un territoire, le Liban, dont l’histoire récente et ancienne est complexe et à échelle mondiale, rassemble autour d’un plat des habitants de pays et de cultures différentes.
En France, les Marmites métanationales sont organisées par l’Ambassade de la MétaNation qui est issue de la collaboration de WOS/ agence des hypothèses et de Quebracho Théâtre.
Elles sont préparées avec les ingrédients et techniques culinaires hybridées correspondant aux origines multiples des protagonistes.
La différence comme richesse c’est l’une des parties prenantes d’« Expertises Réciproques » de François Deck (54), artiste-consultant. François Deck dans ce qu’il nomme l’esthétique de la décision, conçoit des projets qui travaillent « la potentialité d’une double validation : dans le champ de l’art et dans l’espace d’une pratique sociale » (55). Il réfute les principes d’autocratie et d’autonomie si chères à la figure de l’artiste moderne et postmoderne. Il y précise que « L’autonomie d’une pratique artistique ne tient pas toute seule, elle dépend d’une capacité à susciter un milieu d’accueil de cette pratique, donc d’une capacité à créer des liens. Alors que l’artiste est incité à toujours plus de professionnalisme sous le régime de concurrence du marché de l’art (…) une pratique expérimentale pourra développer de l’autonomie en intégrant un public dans la pratique elle-même. »(56).
Quels horizons « afiltrants », « aproductifs » (57) rendent possible de nouvelles représentations cognitives de l’art ?
Nouvelles postures afiltrantes et postures aproductives, « Éloge de la fuite» et de la vie quotidienne
« L’invention des liens avec des personnes et des savoirs hétérogènes est donc une perspective de renouvellement, qui subvertit la reproduction de la place de chacun dans un système social. », Esthétique de la décision, François Deck, 2001
« I have nothing to show and I’m showing it » est une publicité de l’agent d’art (59) Ghislain Mollet-Viéville parue dans différents médias en 1985. Par cette action, il entame une réflexion sur d’autres formats de l’Art. Expert près la cour d’appel de Paris, conférencier, critique, il a une pratique interventionniste avec comme but d’actualiser les modalités qui font intervenir différentes instances au sein de notre société pour mettre à jour les modalités de productions, de diffusions, d’acquisitions et d’actualisations d’œuvres dont l’originalité demande des principes inédits d’expositions et d’activations.
Dès la réactivation de la Biennale de Paris en 2000, Ghislain Mollet–Viéville s’est impliqué de manière active comme un de ses conseillers puis au sein de celle-ci et l’ENDA. À la frontière des mondes de l’art contemporain et de l’art invisuel, il joue un rôle important de passeur et de transmetteur auprès des nouvelles générations de praticiens d’art invisuel. Il a une connaissance intime de l’Art minimal, de l’Art conceptuel et de l’Art invisuel. Il maîtrise les corpus de documents, en usage par l’art actuel tels que certificats, avertissements, procurations, enregistrements, protocoles ou fiches techniques. Il préfère critiquer les objets d’art plutôt que les œuvres d’art car pour lui « dans l’art invisuel il y a des œuvres au sens premier donné par le dictionnaire : activité, travail. Au sein de l’art invisuel, nous pouvons nous mettre tous à l’œuvre. De plus, l’art invisuel se définit comme art dans l’utilisation de son nom (il s’agit d’un autre art mais de l’art quand même). », Ghislain Mollet-Viéville, Extrait d’un échange informel avec lui en 2020. Il est la figure tutélaire par excellence de l’afiltrant.
L’afiltration et l’aproduction sont voisines.
En 1985, Gary Bigot (60) artiste, décide de considérer le principe d’hygrométrie comme son œuvre et pour préserver son intégrité, il adopte quatre résolutions radicales : pas de production par lui-même, pas de promotion par lui-même, pas de profit pour lui même et pas de propriété à titre personnel. Cependant Gary continue de « fonctionner » et être considéré comme un artiste.
Gary Bigot renoue avec la liberté du processus créatif en poussant sa réflexion à ses limites : produire n’est pas créer. Dans un entretien accordé à Marie-Anne Lorgé en 2020 et publié dans la Revue de Paris (61), il déclare « J’aime que l’art soit accessible à tous, qu’il soit participatif. Surtout qu’il ne soit pas en dehors de la vie et, d’abord, qu’il ne soit pas prétentieux – le prétentieux étant celui qui veut être sur un piédestal et qui voit du plagiat partout. »
Depuis quelques mois, l’artiste paresseuse agit sous le pseudonyme de Another Lazy Artist (62). Elle adopte le journal comme format où de manière apériodique, elle explique les raisons pour lesquelles elle ne crée pas d’œuvres d’art. Ces énoncés sont visibles sur plusieurs réseaux sociaux. Une de ses pages propose ses contenus rédactionnels qui ne lui appartiennent pas selon le règlement de la plateforme sociale Facebook. Elle décrit dans un entretien dans la Revue de Paris (63) l’aproductivité, qui consiste en un positionnement ferme de ne plus produire d’œuvres d’art, tout en travaillant de manière infiltrée dans le secteur de l’art.
Produire autrement et ne plus produire sont des postures, qui dans d’autres secteurs et activités humaines, peuvent encore avoir une incidence sur les futurs possibles de notre espèce.
Pourquoi les artistes et leurs pratiques échapperaient-ils à ce questionnement ?
Dans son ouvrage « Esthétique de l’art invisuel » paru aux éditions Panthéon, en 2021, Corina Chutaux Mila (64), première théoricienne qui a posé les bases de compréhension des concepts à l’oeuvre dans l’ art invisuel précise « qu’il est très difficile de surprendre sur le vif une dynamique en train de naître, il est difficile autant pour le chercheur, qui a le rôle de le comprendre (…) que pour l’artiste lui-même qui ne parvient pas à se placer parmi les autres artistes de son propre genre et à s’inscrire dans la nébuleuse de l’histoire de l’art. ».
Je la rejoins dans ses mots étant moi-même dans cette position de recherche, dans ses intentions d’ausculter les quelques hypothèses qui se dessinent et dont le corpus présenté ici n’est qu’un fragment, corpus qui est de fait le support d’analyse de ce questionnement.
Mais quels sont les motifs de cette recherche par l’artiste autrice et plasticienne que je suis hors cadre institutionnel et non financée ?
Les motivations de cette recherche sur les pratiques invisuelles : brève présentation
Revenir de manière temporaire d’un « nous au je »
Dans un texte titré « Rue de la gare », présenté en page 693 du catalogue de la XVème Biennale de Paris, Jean-Claude Moineau écrit à propos de la rue de la gare qui relie Aubervilliers à Paris « (…) productions de la débrouille, de l’inventivité et de la créativité de ceux qui sont venus, pendant un temps, s’y « inscrire (…) » : dans cette étape de ma recherche qui n’en est que l’aube, c’est ainsi que je perçois les représentations cognitives neuves qui émergent de la multiplicité de ces pratiques invisuelles. Pour mener à bien ce projet de recherche, je dispose des compétences et des appétences nécessaires. Du moins pour l’instant, je le crois. J’ai été formée au sein de plusieurs instituts (Conservatoire d’art dramatique à rayonnement régional, École Supérieure des Beaux-Arts, École d’architecture, Institut de l’Image de l’Océan Indien, Universités) et je dispose de plusieurs berceaux référentiels tant dans le domaine des arts visuels, des arts numériques et des arts scéniques qu’en philosophie, esthétique et sociologie. Cette expérience s’est enrichie par divers contextes de travail en immersion au sein de l’industrie culturelle et à diverses fonctions telles que chargée des publics, chargée de pôle transmission, médiatrice, artiste intervenante, artiste résidente, assistante réalisatrice, etc.
Les objectifs et résultats attendus de cette recherche sont de révéler par ce questionnement à la fois ontologique, conceptuel et perceptuel, un état des lieux d’un ensemble de pratiques artistiques de nature radicale et différente : elles questionnent et refusent la visualité comme finalité de l’art dans l’histoire des arts contemporains et actuels. Ces pratiques artistiques sont rassemblées sous la terminologie d’art invisuel par Alexandre Gurita en 2004. Les modes opératoires d’élaboration de cet essai sont « Penser, écrire et acter ». Les outils issus de ma « pratique artistique performative furtive » (65) (manœuvres, sondes situationnelles) complètent la panoplie traditionnelle d’une recherche universitaire et scientifique tels que des enquêtes de terrains, des questionnaires à destinations de l’ensemble des usagers de l’art invisuel, des entretiens de praticiens et d’artistes, des analyses de divers corpus textuels, théoriques et hétérogènes notamment des deux catalogues de la Biennale de Paris et les rapports d’activités des praticiens de l’Iheap/ENDA.
Sur le plan théorique, cette recherche portera un éclairage différent sur les pratiques artistiques actuelles en mettant en lumière l’art invisuel tout en conservant la distance nécessaire, celle du chercheur et l’empirisme empathique, celle de l’artiste, plus spécifiquement de l’artiste plasticienne.
Sur le plan pratique, cette recherche pourra prendre la forme éditoriale d’un bulletin de situation, sous la forme d’un essai, disponible tant pour les artistes invisuels que pour tout type d’usagers désireux de mieux cerner et comprendre les enjeux, le paradigme et les dimensions sociologiques de l’art invisuel et de ses pratiques.
Ce que je vous livre ici est la direction d’une recherche toujours en cours et non ses fruits ; recherche qui vous invite à la patience, celle du cycle naturel des saisons, pour en déguster, plus tard, les premières hypothèses de réponses.
NOTES
1. Art invisuel : « L’invisuel est visible mais pas en tant qu’art selon les critères de l’art visuel. Les pratiques invisuelles se manifestent autrement que sous forme d’oeuvres d’art, matérielles ou immatérielles. Elles sont inscrites dans le réel à tel point qu’on ne peut pas toujours les distinguer de ce qui les entoure. Elles n’ont pas forcément besoin d’être vues et/ou partagées pour exister. », Alexandre Gurita. http://www.enda.fr/intervenant/alexandre-gurita/
2. Le titre fait référence « Les ambitions et les limites », fragment du titre de l’article de Richard Saint-Gelais intitulé « Ambitions et limites de la sémantique de la fiction », Acta fabula, Vol. 2, N°2, automne 2001. http://www.fabula.org/revue/document11007.php
3. Camille Paulhan est une critique d’art et historienne de l’art qui enseigne à l’École Supérieure d’Art du Pays Basque. Elle est l’auteure d’une thèse sur le périssable dans l’art dans les années 1960-1970.
4. Gustav Metzger (1926-2017) est un artiste et activiste allemand. Il développe le concept d’Auto-destructive art et d’Art Strike.
5. Wolf Vostell (1923-1998) est peintre et sculpteur. Pionnier de l’installation, de l’happening et du mouvement Fluxus, sa pratique d’art global met souvent en exergue des sujets politiques et sociaux. Il intègre aussi des faits d’actualités à ses propositions.
6. Marcel Broodthaers (1924-1976) est un plasticien belge qui s’intéresse aux rapports entre l’artiste et la société.
7. Les Street Works désignent un ensemble de pratiques furtives qui ont eu lieu pour la première fois en 1969 à New York. « Street Works New York 1969 », par Sophie Lapalu, Éd. Universitaires de Vincennes. D’après sa thèse où elle présente six séries différentes de Street Works.
http://sophielapalu.blogspot.com/2020/07/street-works-new-york-1969.html
8. Ghislain Mollet-Viéville se singularise ainsi «Je me suis défini comme agent d’art car mes activités consistent principalement à assurer la promotion de l’art minimal & conceptuel jusque dans ses développements aujourd’hui : conférences dans les musées, universités, entreprises privées et publiques, constitution d’archives réputées comme la source d’information indispensable à bon nombre de collectionneurs, conservateurs, critiques et professionnels divers, articles dans la presse spécialisée, organisation d’expositions et participation à des ventes publiques, expertises… composent ainsi mon aventure artistique liée à une communication avec un public le plus large possible. ». Il est critique d’art et conseiller de la Biennale de Paris. Il est possible de consulter un grand nombre de documents relatifs à sa démarche à cette adresse : http://www.conceptual-art.net/collection.html
9. Ben Vautier (1935) artiste plasticien. Benjamin Vautier dit Ben Vautier a une pratique programmative et conceptuelle qui s’illustre par des écritures, des discours, une communication pleine d’humour et de dérision. http://www.ben-vautier.com/
10. MoMA est l’acronyme de Museum of Modern Art de New York fondé en 1929.
11. Une des phrases de l’artiste Ben de ses Mystery Box.
12. « Air de Paris » est une œuvre de Marcel Duchamp, composée d’une ampoule dans lequel il a recueilli un fragment d’air de la ville de Paris.
13. « Belle Haleine», eau de Voilette de Marcel Duchamp, est un readymade rectifié qu’il a œuvré avec l’aide de Man Ray, artiste photographe dada et surréaliste.
14. Marcel Duchamp (1887-1968) est un artiste pluridisciplinaire français, naturalisé américain souvent présenté comme le père de l’Art Contemporain avec le virage qu’il prend dans son processus de création lors de la présentation de Fountain, Ready Made le plus connu en 1917. Dans mon étude, je porterai une attention particulière au Chèque Tzank, 1919.
15. Piero Manzoni (1933-1963) est un artiste italien d’ Arte Povera et d’Art Conceptuel. Ses œuvres telles que « Merda d’Artista » ou « Linéa » sont des propositions qui questionnent l’objet d’art à l’heure de la culture de masse et de sa réappropriation par l’institution muséale.
16. L’ Appropriationnisme est un mouvement artistique proche de l’art conceptuel, il doit son appellation au critique américain Douglas Crimp qui présente à l’automne 1977 une exposition intitulée Pictures à l’Artists Space de New York. Cette appropriation pour se distinguer de la copie ou du plagiat doit porter en elle, une intention critique ou un hommage à d’autres artistes, d’autres pratiques artistiques. Sa figure tutélaire, inspiratrice et oubliée est l’artiste américaine Elaine Sturtevant.
17. « L’art et la vie confondus » d’Allan Kaprow est un ouvrage où a été rassemblé un corpus de textes de l’artiste. Ces textes réunis par Jeff Kelley et traduit par Jacques Donguy ont été publiés en 1996. Allan Kaprow (1927-2006) rejette toutes les frontières entre art et non art.
18. Les « situs » sont les membres d’un mouvement contestataire philosophique, esthétique et politique qui s’est incarné par l’Internationale situationniste, « plate-forme collective », fondée par huit artistes en 1957, lors de la conférence de Cosio d’Arroscia. Guy Debord, l’un des membres fondateurs, dans son texte programmatique, propose de « changer le monde » par le dépassement de toutes les formes artistiques par « un emploi unitaire de tous les moyens de bouleversement de la vie quotidienne ».
19. André Malraux (1901-1976) est un écrivain et intellectuel autodidacte, militant anti fasciste.
20. Source de l’article d’ Artistik Rezo : https://www.artistikrezo.com/art/alexandre-gurita-il-existe-des-multitudes-de-pratiques-artistiques-de-nature-invisuelle.html
21. « Nous au je » : Jean-Baptiste Farkas, artiste prestataire que j’évoquerai de manière plus longue, plus loin a une citation « passer d’un je au nous » extraite du texte de présentation de l’Amicale de la Biennale de Paris. Cette citation m’anime particulièrement dans ma démarche de plasticienne. Par un jeu de langage, je m’autorise ici, à en inverser les termes à la fois comme clin d’œil à la citation de Jean-Baptiste Farkas mais aussi pour marquer que même au sein d’entreprises collectives, l’appétence individuelle et son origine pour un sujet déterminent l’angle d’une étude, d’une pensée, d’une pratique.
22. Le musée des nuages est un projet de Soussan Ltd, structure de l’artiste conceptuel Sylvain Soussan et fournisseur de produits et prestations pour les musées et les collectionneurs. http://www.conceptual-art.net/soussan.html
23. John Dewey est l’auteur de « l’Art comme expérience ». Philosophe et psychologue, il est l’un des auteurs phares du pragmatisme en poussant l’enquête dans ses limites et d’en fonder une théorie.
24. John Cage (1912-1992) est compositeur, plasticien et poète. Inspirateur de Fluxus, il s’est inspiré du Bouddhisme Zen pour ses propres créations. Il a participé aux expériences d’enseignements tels que le Black Mountain College et la New School for Social Research. Il a notamment remis en question des notions telles que le statut de l’œuvre d’art et de l’artiste dans ce contexte.
25. Art & Language : collectif britannique d’artistes conceptuels fondé en 1968. Ces artistes conceptuels remettent en question la nécessité d’un objet d’art dans une démarche d’artiste et questionnent de manière critique les conditions d’existence d’une œuvre d’art.
26. Fluxus est un mouvement artistique initié par Georges Maciunas à qui, il doit son nom dans les années 60 et qui englobe la littérature, la musique et les arts visuels. Ils questionnent le statut de l’œuvre d’art, le rôle de l’artiste, la place de l’art dans la société en ayant souvent recours à l’humour et la dérision.
27. Black Mountain College : université libre expérimentale fondée en 1933 en Caroline du Nord aux Etats-Unis. Cette université avait pour principes « l’éducation de tous par chacun », l’autogestion et la pratique collective de recherches tant dans la vie quotidienne que ceux des arts, des sciences sociales ou sciences humaines.
28. Jean-Baptiste Farkas est artiste prestataire. Il fournit des modes d’emplois et opère sous plusieurs identités dont IKHÉA©SERVICES et Glitch où deux gestes fondamentaux sont à l’œuvre, contrarier et soustraire.
29. L’Amicale de la Biennale de Paris est une extension de la Biennale de Paris. Fondée par Jean-Baptiste Farkas, elle définit un ensemble de rencontres autour d’une question avec une multiplicité de points de vues, de modes opératoires et de pensées divergentes les unes aux autres, mis en commun. Elle est pensée comme un lieu possible pour accroître, renforcer les liens autour d’intérêts partagés par et pour les artistes.
30. L’entraide, un facteur de l’évolution est le titre d’un ouvrage de Pierre Kropotkine publié pour la première fois en 1906 et réédité plusieurs fois depuis et dont le terme a aussi été emprunté par Gautier Lachapelle et Pablo Servigne dans leur ouvrage « L’entraide : l’autre loi de la jungle » publié aux éditions des liens qui libèrent en 2017. J’utilise ici les mots de Kropotkine pour planter de manière immédiate l’hétérogénéité des praticiens invisuels et l’importance au sein de cette « communauté d’artistes » de la mise en œuvre d’une intelligence collective relationnelle.
31. Cette phrase avant d’être publiée a pour origine un article de Ghislain Mollet-Viéville dans la revue Art Présence en 1994. Il est possible de consulter l’article, à cette adresse : http://www.conceptual-art.net/artdureel1994.html
32. Autorat : la notion d’autorat désigne le fait d’être auteur.e d’une publication, d’un texte, ici par extension d’une œuvre d’art.
33. La Licence Art Libre s’inspire du copyleft et de la possibilité de copier et d’enrichir une pratique, une terminologie mais en citant les précédents contributeurs. https://artlibre.org/
34. Francesco Masci (1967) est philosophe de l’art. Il porte son intérêt sur le rôle de la culture au sein de la société moderne ou post moderne. Il est l’auteur de : « Superstitions » (2006), « Entertainment! : Apologie de la domination » (2011), « L’Ordre règne à Berlin » (2013), « Traité anti-sentimental » (2018), Ed. Allia.
35. Bernard Brunon est artiste peintre et gérant de l’entreprise « That’spainting! » qu’il a fondé à Houston en 1985. http://thatspainting.com/
36. Source : http://www.enda.fr/intervenant/ludovic-de-vita/
37. Fomea (Forum mondial des économies de l’art) : http://www.fomea.org/
38. Économie réputationnelle : une économie qui se fonde sur la réputation des artistes et de leur cotation sur le marché.
39. Micro Collection : http://www.microcollection.it/fr/musee.html
40. Entretiens réalisés en avril 2021.
41. Wos, Agence des hypothèses : https://wos-agencedeshypotheses.com/wosclaire-dehove/
43. J’emprunte de manière délibérée ici une expression qui renvoie à « L’art et la vie confondus », d’Allan Kaprow, 1996.
44. Claire Fouquet est une artiste pluridisciplinaire. http://entre.poser.online.fr/bio2.html
45. Le Guide Legrand des buffets de vernissages est un guide conçu par l’artiste Auguste Legrand.
46. Bernard Delville est un artiste belge et concepteur d’éoliennes : http://bernard-delville.blogspot.com/
47. Jean-Claude Moineau (1942) Théoricien de l’art, Jean Claude Moineau a écrit de nombreux ouvrages où au travers d’un métalangage il dresse une critique incisive de l’art et de ses modèles. Il a enseigné à l’ Université Paris VIII de 1969 à 2008. Il est conseiller de la Biennale de Paris. Il est l’auteur de nombreux textes et ouvrages tels que « Queeriser l’Art » paru en 2014 et co-rédacteur, avec Jean-Baptiste Farkas, du blog http://j-c-moineau-j-b-farkas-entretien.blogspot.com – Dans « Pour un catalogue critique des arts réputés illégitimes » , Jean-Claude Moineau, p.47-59, catalogue de la XVème de la Biennale de Paris, Éd. Biennale de Paris.
48. Jacques Rancière est philosophe. Dans le cadre de ma recherche, je convoquerai quelques-uns de ses ouvrages.
49. Comité de soutien « Que reste-t-il de Florian? », p.73-90, catalogue de là XVème Biennale de Paris, Éd. Biennale de Paris.
50. Pier Paolo Pasolini (1922-1975) est un écrivain, poète, journaliste et cinéaste italien qui a adapté de manière libre l’œuvre du Marquis de Sade, « Salo, les Cent vingt journées de Sodome » où il dresse une critique incisive de la société bourgeoise.
51. La Grande Bouffe est un film franco italien de Marco Ferreri, 1973 qui comme de nombreux films controversés à leur sortie, est devenu aujourd’hui un film culte. Le plus surprenant dans l’aventure de cette œuvre cinématographique est l’écart entre son propos et sa vie réelle. Reçue à Cannes pour un prix ex-aequo avec « La maman et la putain » de Jean Eustache, j’ai toujours été surprise de sa trajectoire dichotomique entre sa dénonciation et la satire de la bourgeoisie décadente et de son consumérisme et sa consécration par ceux-là même qu’elle pointe.
52. La Miroiterie est un squat parisien ouvert en 1999 et fermé en 2015. Il était situé au 88 rue de Ménilmontant, dont les occupant.e.s, au début des années 2000 redécouvrent le Food Not Bomb, pratique interdite apparue aux États-Unis au milieu des années 1980. Elle consiste à glaner les invendus des marchés, à les cuisiner et à les redistribuer gratuitement dans la rue. Depuis cette pratique s’est popularisée avec l’apparition en 2012 et 2013 des Disco soupes et des Foods Not Bomb dans des villes telles que Montpellier ou Lyon.
53. Gordon Matta Clark (1943-1978) est un artiste américain et fondateur en 1971 de Food à SoHo, (New York) d’un restaurant géré par des artistes.
54. Kader Attia (1970) : artiste français d’origine algérienne, il créé La Colonie Barrée en 2016, un espace entre tiers lieu culturel et centre d’art autogéré dont la ligne curatoriale et éditoriale est orientée Post Colonials Studies. Cet espace agora est le lieu de « Savoir- Vivre » et de « Faire Savoir ». Dès son ouverture Kader Attia y fait servir un couscous traditionnel préparé par sa mère. Le lieu est fermé suite à la crise post covid19. https://www.lacolonie.paris/
54. François Deck est artiste-consultant, l’auteur de « La première personne du singuriel » aux éditions Contrat Maint, en 2017
55. Extrait de l’article « Expertises Réciproques », p.252, catalogue de la Biennale de Paris, Éd. Biennale de Paris.
56. Extrait de l’« Esthétique de la décision », par François Deck, version numérique réédition en 2014, Ed. Le Brouillon
57. Afiltration et aproduction sont deux concepts pour définir des postures d’infiltrations et de productions en tous contextes et écosystèmes de l’art.
58 . J’ai emprunté ce sous-titre à l’ouvrage d’« Éloge de La Fuite » d’Henri Laborit publié en 1976.
59. Agent d’art : terminologie crée par Ghislain Mollet–Viéville pour définir sa fonction dans l’écosystème de l’art contemporain.
60. Gary Bigot est un artiste d’origine belge qui vit et travaille au Luxembourg. Depuis 1985, il a décidé de considérer les principes de l’hygrométrie comme son œuvre. http://www.enda.fr/intervenant/gary-bigot/
61. Source de l’article : http://www.revuedeparis.fr/tag/marie-anne-lorge/
62. Another Lazy Artist est une artiste invisuelle qui vit et travaille en France. Elle utilise un pseudonyme pour diffuser ses énoncés de non production sur les réseaux sociaux.
https://fr-fr.facebook.com/imanother.lazyartist.7
63. La Revue de Paris est une revue fondée en 1829 qui a été captée par Alexandre Gurita en 2020 pour y produire une pensée amenant vers de nouveaux horizons pour l’art. http://www.revuedeparis.fr/a-propos/
64. Esthétique de l’art invisuel, par Corina Chutaux – Mila : https://www.editions-pantheon.fr/auteur/corina-chutaux-mila/
65. Les pratiques performatives furtives sont des pratiques artistiques qui empruntent le vocabulaire des arts scéniques, de la performance avec un objectif de remettre en question les hiérarchies verticales invisibles existantes dans les lieux, les espaces et les temps où elles ont lieu.
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Bibliographie (non exhaustive)
« Bartleby le scribe », Herman Melville, 1853.
« L’entraide, un facteur d’entraide », Pierre Kropotkine, 1902 réédité plusieurs fois notamment en 2015- Ed. du Sextant.
« L’art comme expérience », John Dewey, 1934, Eloge de la fuite Henri Laborit, 1976.
« Art minimal et conceptuel », par Ghislain Mollet-Viéville.
« Micropolitiques », Félix Guattari, 1986.
« Le maître ignorant » , Jacques Rancière publié en 1987, Ed. Fayard,
« Tempory Autonomes Zones », Hakim Bey, 1991.
« L’art et la vie confondus », Allan Kaprow, traduction Jacques Donguy, collection Centre Pompidou, 1996
« Esthétique Relationnelle », Nicolas Bourriaud, Presses du Réel, 1998.
« Artiste sans œuvres – I would prefer not », Jean Yves Jouannais, éditions Hazan 1997, ré-édité aux éditions Verticales en 2009.
« Le partage du sensible », Jacques Rancière, publié en 2000 à La Fabrique éditions
« Un art contextuel », Paul Ardenne, 2003.
« L’art dans l’indifférence de l’art », Jean-Claude Moineau, 2001
« Esthétique de la décision », François Deck, 2001.
« Catalogue de la XIVème Biennale de Paris », 2004 Catalogue de XVème Biennale de Paris, 2006.
« Vers un art sans œuvre, sans auteur, sans spectateurs », Stephen Wright
« Superstitions » Francesco Masci, 2006, Éd. Allia.
« Le spectateur émancipé », Jacques Rancière publié en 2008 à La Fabrique éditions.
« L’art, le présent, la création plastique au tournant du XXIème siècle », Paul Ardenne, Éd. du regard, 2009
« Alexandre Gurita, un stratège dans l’art », Sophie Lapalu, 2010.
http://sophielapalu.blogspot.com/2010/09/impacter-la-matrice.html
« Des modes d’emplois et des passages à l’acte », Jean-Baptiste Farkas, Éd. Mix, 2010
Jean-Claude Moineau/ Jean-Baptiste Farkas : entretiens, 2011- 2012
http://j-c-moineau-j-b-farkas-entretien.blogspot.com/2011/
« Le tournant hostile, plaidoyer en faveur des coups bas », Jean-Baptiste Farkas, HAL, 2013.
« Appel à la vie contre la tyrannie étatique et marchande », Raoul Vaneigem, Éd. Libertalia, 2019.
« L’art invisuel, qu’est ce que c’est ? », Eric Monsinjon, Revue de Paris, 2020.
http://www.revuedeparis.fr/l-art-invisuel-qu-est-ce-que-c-est/
« Esthétique de l’ art invisuel », par Corina Chutaux Mila, 2021, Éd. Panthéon.
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Marie Julie
« Je est un autre », Arthur Rimbaud
Artiste et auteure indisciplinée indépendante, Marie Julie est née à l’île de La Réunion. Elle joue avec les codes, les situations et les médiums « toujours pour rencontrer l’autre ». Diplômée d’école d’art et d’universités, cette insulaire continentale refuse les catégories, les assignations, les définitions et travaille à rendre poreux ses champs d’investigations qui deviennent solubles dans sa praxis artistique et sa vie.
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Photo en-tête : En recherche parallèle, 2020, MNJD